VISION #40 - Françoise Huguier

 
 

Ce jour-là, l’ambiance était lourde. Il faisait anormalement chaud pour un mois d’août et les nuages commençaient à devenir de plus en plus menaçants. Après un assez long trajet de métro, je sors à l’arrêt Mairie des Lilas et un déluge s’abat sans véritable surprise sur moi. Je me couvre tant bien que mal sous l’entrée d’un PMU douteux, un vieil homme me tient la jambe : « Rien ne va plus en France, la politique, la météo, c’est bientôt la fin du monde, je vous le dis… » Je suis coincé ici, le matériel pour enregistrer le podcast dans mon sac, sans parapluie, avec un pessimiste aguerri et de plus en plus de personnes venant s’agglutiner sous le portail. La pluie, déjà extrêmement forte, s’est depuis transformée en grêle. Je commence à stresser, j’ai tout de même rendez-vous avec Françoise Huguier, l’une des plus grandes photographes françaises à ce jour.

Après de longues minutes d’attente, Françoise m’envoie finalement un taxi et j’arrive dans sa maison de Romainville, complètement trempé, mais satisfait de pouvoir enfin la rencontrer. Je comprends tout de suite que Françoise Huguier est un personnage. Son accueil est direct, sans fioritures, c’est une passionnée. Elle est enchantée de parler de sa vie faite de multiples rebondissements, incidents, voyages et rencontres. Le début de l’entretien, entrecoupé de nombreuses bouffées de cigarettes, peut enfin démarrer. Clic.

 
 
Photo : Françoise Huguier, Agence VU', Kommounalki, 2007, première photo décrite
 
 

Chaque vision est singulière, porteuse de sens et de changement. Le but de ce format est de rassembler de nombreux artistes et que chacun nous délivre sa vision et son expérience de la photographie.

 
 
Françoise Huguier, Agence VU', Kommounalki, 2007
Photos : Françoise Huguier, Agence VU', Kommounalki, 2007
 
 

Françoise Le Minor, dite Françoise Huguier, naît le 15 juin 1942 à Thorigny-sur-Marne dans une famille aristocrate et bourgeoise. Ses parents sont planteurs d’hévéa au Cambodge, où elle grandit avec son grand frère. En 1950, elle est enlevée avec son frère lors d’une attaque à la plantation de Chup, organisée par le Vietminh. Ils sont libérés au bout de huit mois et rentrent en France. Une expérience qui la suivra toute sa vie et qui forgera son caractère. « Dans mon parcours en tant que photographe, on me demandait toujours : es-tu capable de le faire ? (…) Bah oui, j’ai vécu autre chose que le DA derrière son bureau qui n’a jamais voyagé », nous dira-elle dans le podcast.

 
 
Françoise Huguier, Durban, Afrique du Sud, 1996
 
Françoise Huguier, Durban, Afrique du Sud, 1996
 
 
 

Elle se marie en 1967 avec un ingénieur architecte, et commence à se passionner pour la photographie d'architecture. Elle apprend les techniques de base dans un labo photo parisien, puis travaille comme photographe indépendante pour le Centre Pompidou. En parallèle des mondes de la politique, de la culture, et surtout de la mode, qu’elle documente à partir de 1976, c’est le monde comme territoire de rencontres que Françoise Huguier commence à sillonner à la fin des années 1980. Que ce soit en Europe, en Afrique ou en Asie, elle y porte le même œil singulier et graphique qui ne manque jamais d’humour. De la photographie de mode au reportage, de l’instantané aux mises en scène, la photographie de Françoise Huguier documente et révèle la diversité du monde, de ses territoires et sociétés.

 
 
Photos : plus haut - Françoise Huguier, Agence VU', Durban, Afrique du Sud, 1996, ici - Sur les traces de l’Afrique fantôme, 1990, deuxième photo décrite
 
 
 

« En tant que photographe, je suis toujours un témoin en retrait. Il ne faut surtout pas marcher sur les pieds des gens, surtout pas. »

– Françoise Huguier

 
 
 
Chez le coiffeur à Shanghai, Chine, 1980.  In a hairdressing salon. Shanghai, China, 1980. © Françoise Huguier / Agence VU’
Photo : Françoise Huguier, Agence VU', chez le coiffeur à Shanghai, Chine, 1980.
 
 

Dans ce podcast rythmé par la belle musique du groupe de punk Oiseaux-Tempête, les idées, témoignages et expériences de la photographe française fusent. Elle nous parle par exemple de sa tendance à être « hors-sujet », de son éclectisme, de sa curiosité, qu’elle clame avec fierté. Nous évoquons son enfance, ses débuts en tant que jeune photographe à Paris, son parcours dans la mode et dans la photographie-reportage, et ses nombreux voyages, notamment en Afrique…

 
 
Photo : Françoise Huguier, Agence VU’, En route pour Behring, 1993
Photo : Françoise Huguier, Agence VU’, en route pour Behring, 1993
Photo : Françoise Huguier, Agence VU’, retour d'enterre, Martinique, 1986 - 1987
Photo : Françoise Huguier, Agence VU’, retour d'enterrement, Martinique, 1986 - 1987
 
 

Françoise Huguier cite également des projets plus récents, notamment pour le Grand Paris, sa passion pour les usines, un journal personnel appelé « Bobo-gros ». Oui, la photographe française qui a aujourd’hui 80 ans n’a pas fini d’exercer, même face à moi, dans cette pièce enfumée : « Je sais déjà le cadrage que je vais faire de vous », me dit-elle. Après avoir terminé le podcast, elle me montre avec enthousiasme ses nombreux objets, glanés lors de ses voyages aux quatre coins du monde et qu’elle a récemment exposé au musée du Quai Branly (cf. Les curiosités du monde de Françoise Huguier en 2020). Nous terminons avec un tour de ses archives. Après cette pluie extrêmement forte, un peu d’eau avait atteint le sous-sol. « Le plombier arrive demain ». Me voici rassuré.

 
 
 

Crédits :

Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Oiseaux-Tempête.

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Merci au 2e Bureau.

 
 
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