VISION #47 - Vincent Catala
Installé au Brésil depuis près de dix ans, Vincent Catala rentre peu en France, son pays natal. C’est l’achèvement récent du projet Íle de la Saudade, qu’il mène là-bas depuis 2014, qui le fait revenir plus souvent ces derniers temps. En effet, le moment est venu pour le photographe de restituer ce travail immersif au long cours, et de lui faire traverser l’Atlantique. Un ensemble désormais conséquent, qui dresse un portrait étonnant du Brésil, loin des représentations habituelles attachées à ce pays. C’est donc à l’occasion de son dernier passage à Paris que j’ai eu le plaisir d’échanger longuement avec lui.
Vincent a une voix posée, douce. Il prend le temps de contextualiser son parcours et son travail. À l’oral comme derrière l’objectif, il analyse et plante minutieusement le décor. Ce temps de l’observation et de la captation d’un environnement, puis de sa transcription sensible en image, il a appris à le prendre librement au Brésil, territoire où le rapport au temps et à l’espace est particulier.
Photo : Vincent Catala, Agence VU' - Antonio, vêtu à sa demande de son déguisement préféré, chez lui à Bangu, périphérie ouest de Rio de Janeiro - première image décrite dans le podcastChaque vision est singulière, porteuse de sens et de changement. Le but de ce format est de rassembler de nombreux artistes et que chacun nous délivre sa vision et son expérience de la photographie.
Photos : Vincent Catala, Agence VU’, L’Île de la Saudade, 2014-2022En sortant d'études qu’il poursuit sans grand enthousiasme, Vincent Catala exerce plusieurs métiers, dont celui de journaliste pour des rédactions parisiennes. C’est lors de reportages à travers la France qu’il bascule progressivement vers la photographie, un rêve ancien qu'il n'osait pas concrétiser jusqu'alors. Il se forme seul et pratique en réalisant des portraits d’artistes dans les milieux de la musique et du cinéma.
Parallèlement, il photographie des bâtiments immenses pour des grands chantiers publics. Le rapport à ces espaces le fascine, et ses déambulations solitaires, parfois nocturnes, lui procurent une sensation de grande liberté. La succession de commandes dans ces divers univers, puis pour la presse magazine, lui permettent de s'établir comme photographe professionnel et d'intégrer l'Agence VU’.
La première fois que Vincent se rend au Brésil, c’est pour accompagner un documentaire réalisé pour la télévision française. Il ne connaît pas le pays et ne parle pas portugais. On est en 2008. Il est alors très loin d’imaginer qu’il va en tomber amoureux, multiplier les allers-retours, puis finir par s’y installer et y travailler à long-terme. Cette rencontre inattendue avec le Brésil opère un tournant décisif dans son parcours. Elle marque le début d’un mode de travail spécifique qu’il va déployer pendant les années suivantes dans tous les lieux où il va habiter. Un processus totalement immersif, rythmé par les errances, les rencontres et la lenteur du temps d’exposition à la chambre photographique, lui permettant de capter progressivement des sensations, des codes et des récits propres à son nouvel environnement.
Photos : Vincent Catala, Agence VU', deuxième photo décrite« Dans mes photographies, il fait le temps du Brésil. Il est très changeant, un peu curieux (...) C’est assez paradoxal mais c’est comme s’il s’agissait d’un instantané d’une très longue pose lente. »
– Vincent Catala
Photos : Vincent Catala, Agence VU’, L’Île de la Saudade, 2014-2022C’est principalement sur son parcours brésilien que Vincent revient de manière détaillée dans ce podcast. Il nous raconte d’abord ses débuts en photographie, puis sa longue immersion au Brésil, où il vit toujours. Il présente la genèse de sa série au long cours Île de la Saudade, qui commence avec la crise politique de 2014 et se prolonge avec le recul démocratique incarné par l’élection de Jair Bolsonaro, jusqu’à la fin de son mandat en 2022.
Il explique comment, au fil des années vécues dans la Zone Ouest de Rio de Janeiro, la région du Grand São Paulo puis Brasília et le District Fédéral, il découvre l’existence de territoires à la typologie particulière, situés en marge des grandes villes. Des espaces sans frontières ni centre, ni misérables ni riches, où vit la majorité de la population brésilienne et qui, s’ils ne sont jamais montrés, sont pourtant emblématiques du pays. Cette découverte devient l'axe de son travail.
Dans sa trilogie Île de la Saudade donc, point de plages tropicales, de foules célébrant le carnaval, de favelas. Sinon des lieux étranges, anonymes, où règnent une sensation de vide, de solitude. Une tension silencieuse mais palpable en émane, que le photographe fixe et sonde, et dont l’origine se révèle plus ancienne que la crise politique des dix dernières années.
On vous laisse l’écouter et plonger avec lui dans les paysages, les portraits, et finalement l'histoire de ce pays immense, fascinant de complexité.
Photo : Vincent Catala, Agence VU’, Recreio, Zone Ouest de Rio de Janeiro, 2017, L’Île de la Saudade, 2014-2022