VISION #30 - Nicola Lo Calzo
« Nous sommes transfuges à notre classe de la même façon que les esclaves marrons l'étaient en échappant à l'esclavage et en devenant des hommes et des femmes libres, c'est-à-dire que c'est pour nous une nécessité absolue, et comme pour eux et pour elles, notre survie exige de contribuer de toutes nos forces à la destruction de la classe et cela ne peut s'accomplir que par la destruction de l'hétérosexualité comme système social basé sur l'oppression et l'appropriation des femmes par les hommes... » Le 30ème sous notre format Vision commence avec la lecture d’un extrait de La pensée Straight de Monica Wittig. Le ton est donné.
J’ai rendez-vous dans le 12ème arrondissement avec Nicola Lo Calzo, « photographe, artiste queer et enseignant-chercheur », comme l’indique sa biographie. L’appartement de Nicola se situe dans l’un des derniers étages d’un grand immeuble, qui surplombe tout Paris. Une magnifique lumière douce entre dans la pièce du salon en cette matinée d’automne. Une odeur de café se propage. Comme tout Italien qui se respecte, Nicola fait lui aussi du très bon café. Des yeux vifs, un débit de parole très rapide. Il me présente tout d’abord ses différents livres, publiés principalement aux éditions Kehrer et André Frère. Ses propos m’intéressent et me captivent presque instantanément.
Chaque vision est singulière, porteuse de sens et de changement. Le but de ce format est de rassembler de nombreux artistes et que chacun nous délivre sa vision et son expérience de la photographie.
Cet épisode a été réalisé en partenariat avec Adobe France.
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Formé comme conservateur du patrimoine à l'École polytechnique de Turin, Nicola s'oriente vers la photographie en 2008 après un voyage « révélateur » à New York. Sa pratique et sa recherche photographique interrogent les notions de patrimoine, de colonialité et d’identité. Il anime également un studio sur les approches postcoloniales en photographie à l'École nationale supérieure d'arts Paris-Cergy (ENSAPC).
« Je ne me suis jamais positionné comme quelqu’un qui veut comprendre mais plutôt comme quelqu’un qui veut apprendre. Il s’agit pour moi d’appréhender, ce qui implique le bénéfice du doute. » Depuis neuf ans, l’artiste s’engage corps et âme dans une recherche photographique au long cours autour des mémoires de la traite négrière et de l’esclavage, de leurs résistances et de leurs abolitions. Ce projet ambitieux, intitulé Cham, a connu et connaîtra encore de nombreuses étapes en Afrique, dans les Caraïbes et en Amérique.
Dans ce podcast, nous parlons globalement de ce projet, en mentionnant les liens entre les différentes séries et leurs points géographiques variés. Nous nous intéressons particulièrement à la série Regla, qui interroge les notions de liberté et de résistance à la lumière des pratiques religieuses de Cuba, parmi lesquelles on retrouve la société secrète Abakuá et des pratiques artistiques cubaines.
Nous évoquons également Binidittu, une série réalisée à partir d’une rencontre en Colombie et qui s’est terminée en Sicile, à Palerme. Dans ce projet, le photographe questionne l'(in)visibilité des migrants subsaharien.e.s contemporain.e.s en Méditerranée à travers la figure exceptionnelle, bien que méconnue, de saint Benoît le More (Sicile, 1524-1589), fils d'Africains asservis, devenu le premier saint noir moderne de l'histoire. Il questionne l'amnésie de l'Europe et de l'Italie face à la présence historique des Afropéens, dont le More est l'une des figures les plus représentatives.
« C’est important de penser la photographie comme un dialogue entre son corps, le corps de la personne photographiée et aussi le corps du spectateur. C’est une triangulation qu’il ne faut jamais oublier. »
– Nicola Lo Calzo
Nicola nous parle aussi de documentation et de recherche, réalisées souvent en amont de ses projets. Comment cette matière nourrit-elle son approche de la photographie ? L’artiste évoque également son cadrage. Souvent, il supprime le contexte en se concentrant sur des visages, gestes et détails. Nous nous intéressons à son interaction et son dialogue avec les sujets photographiés mais aussi avec les spectateurs. Un podcast très riche en informations qui, j’espère, vous inspirera autant que nous.