VISION #49 - Géraldine Lay
« Les failles ordinaires » : un titre étonnant, celui d’une série photographique réalisée par Géraldine Lay, il y a quelques années. Je m’arrête sur celui-ci car je le trouve très représentatif de son travail global. Géraldine s’intéresse aux interstices, aux « petits accidents » de la vie ordinaire, aux failles, sans aucun doute.
Son approche, qui s’éloigne complètement du photoreportage ou de la photographie documentaire, m’a tout de suite intéressé. Je connaissais son travail depuis quelques années et j’ai saisi l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Far East, pour réaliser cet entretien.
De ses études à Arles à son parcours en tant que productrice et éditrice chez Actes Sud, en passant par le développement de son regard photographique : Géraldine Lay nous livre ici un podcast passionnant. Elle nous parle de la genèse et du contexte de ses différentes séries réalisées ces dernières années, qu’elle qualifierait de « coupures » ou de « temps de pause/pose ». La projet Anecdote de Motohiko Hamase, un musicien japonais de jazz et de musique ambient, accompagne sa voix.
Chaque vision est singulière, porteuse de sens et de changement. Le but de ce format est de rassembler de nombreux artistes et que chacun nous délivre sa vision et son expérience de la photographie.
Née en 1972 et diplômée de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 1997, Géraldine Lay avait comme principal objectif de devenir photographe. Pourtant, elle réalise assez rapidement un stage chez Actes Sud et commence une carrière en parallèle de productrice puis d’éditrice. Géraldine Lay réalise donc un double jeu suscitant la curiosité : à la fois « accompagnatrice » et au contact des photographes en édition — aujourd’hui à la tête de la fameuse collection Photo Poche — elle s’accorde du temps pour produire et réaliser ses propres photographies, dans son quotidien ou à l’étranger.
En 2003, elle s’associe à trois photographes, Céline Clanet, François Deladerrière, Geoffroy Mathieu, et réalise plusieurs expositions dont une à la galerie Madé sous l’intitulé Un mince vernis de réalité, qui deviendra un coffret édité en avril 2005 aux éditions Filigranes. Au printemps 2005, elle participe à l’exposition collective Les pépinières du Réverbère, à la galerie Le Réverbère à Lyon, qui, dès lors, représente son travail.
L’association Diaphane lui propose de participer au projet Destination Europe pour lequel elle part à Glasgow en mai 2009. Ce sera le début de la série North End qui s’achève en 2015 et qui donne lieu à l’exposition en janvier 2016 à la Galerie Le Réverbère, reprise en 2018 aux Rencontres d’Arles. Au final, cinq monographies ont été éditées. La dernière sur son travail au Japon vient de paraître aux éditions Poursuite.
« Je n’ai jamais eu besoin de raconter ma propre histoire à travers la photographie. »
– Géraldine Lay
Dans son travail, Géraldine Lay se détache complètement d’une approche autobiographique et défend la construction d’un monde parallèle, peuplé de personnages anonymes ou qu’elle connaît bien, de concomitances, de moment suspendus, souvent soustraits à un quelconque contexte temporel. La photographe aime brouiller les pistes, elle mélange plusieurs lieux, son quotidien, ses voyages, ses rencontres… On retrouve d’ailleurs parfois les mêmes photographies, qui se baladent de séries en séries.
Dans ce podcast, elle s’arrête particulièrement sur ses premiers projets, et ses deux dernières publications : North End, un recueil de photographies prises à Glasgow, Manchester, Londres, Bristol, Liverpool et Cardiff et plus récemment Far East, résultat de 4 séjours en automne au Japon. Elle s’arrête d’ailleurs particulièrement sur la conception et l’editing de ce dernier livre, réalisée main dans la main avec Poursuite et son fondateur, Benjamin Diguerher.
Elle aborde plusieurs sujets, notamment l’importance de la collaboration aux début de sa carrière, son attrait pour la lumière et la couleur, son rapport au temps et à la résidence. « Cette époque, je la trouve stimulante et incroyable riche. » Pour un prochain projet, elle s’adonne même au portrait plus posé. Nous avons hâte de voir le résultat.