[FR] VISION #64 — Cécile Smetana

VisionSaison 5

12 juin

J’ai eu le grand plaisir de découvrir le travail de Cécile Smetana, photographe documentaire franco-danoise, à l’occasion de cet entretien. En faisant mes recherches, j’apprends qu’elle débute comme photojournaliste dans des zones de conflits et de crises, principalement en Afrique centrale, mais qu’elle s’est éloignée du photoreportage depuis plusieurs années, partageant aujourd’hui son travail entre projets personnels et commandes commerciales. Cette rupture avec une certaine tradition du photojournalisme s’est imposée à Cécile comme une nécessité pour trouver son identité de photographe. Ne souhaitant plus documenter ces territoires à travers le prisme de la violence ou de la misère, elle envisage aujourd’hui son écriture documentaire du point de vue de la subjectivité et de l’intime. Dans ses projets personnels, qu’elle continue de réaliser auprès de communautés africaines, en Afrique centrale et dans d’autres régions du monde, la photographe cherche à transmettre les histoires individuelles des personnes qu’elle rencontre sur place et avec qui elle noue une relation.  En parcourant son travail, je suis effectivement frappée par la douceur et l’intimité qui en émanent. Ses images, majoritairement des portraits, sont calmes, empreintes d’une intemporalité presque magique. Les personnes qu’elle photographie irradient de lumière et apparaissent souvent en présence d’éléments naturels et de paysages évanescents, comme dans un rêve. On sent une proximité et un dialogue avec les sujets, qui laissent s’exprimer la subjectivité dans la présence et le regard.

 Dans ce podcast, Cécile Smetana parle de sa fascination pour la photographie de presse dès l’enfance et son envie de découvrir le monde, en particulier l’Afrique, suscitée par ces images venues d’ailleurs. Elle raconte la concrétisation de ce rêve lors de ses premiers reportages au Rwanda et en RDC, mais aussi son désenchantement face à la réalité du métier. Les allers-retours sur le terrain éveillent en elle un sentiment profond de décalage et de solitude, qui la poussent rapidement à interroger sa posture de photojournaliste occidentale, blanche, travaillant auprès de populations majoritairement noires, dans des territoires où l’accès aux ressources et aux droits ne sont pas garantis. Elle explique comment cette prise de conscience l’a amenée à développer une approche documentaire personnelle, fondée sur la rencontre humaine et dont elle revendique la subjectivité, notamment à travers l'inspiration du réalisme magique de Gabriel García Márquez.

Née au Danemark d’une mère danoise et d’un père français originaire d’Algérie et exilé après la guerre, la photographe parle aussi de cet “entre-deux culturel” dans lequel elle a grandi, et l’impact de cette histoire familiale sur son travail photographique. Elle évoque plusieurs projets, dont l’un mené en Guadeloupe autour d’un scandale sanitaire, co-écrit avec une amie vivant sur place, et l’autre plus personnel et actuellement en cours, où il est question de suivre les traces du vent sirocco en Méditerranée, en quête de ses origines algériennes.

Au-delà d’une très belle découverte photographique, cet entretien a été l’occasion d’une réflexion passionnante sur l’éthique et la responsabilité du métier de photojournaliste et de photographe plus largement, et sur l’importance d’avoir conscience d’où l’on regarde.